Jacques Carelman

Transposition tactile de Guernica

À part quelques traces de terres, la gamme des couleurs du Guernica de Picasso s’étend du presque-blanc au pas-tout-à-fait-noir. L’idée était de transposer tactilement cette œuvre en utilisant du papier de verre et des sables de granulation différente. La première chose à faire était d’étalonner le camaïeu de Picasso : on y distingue sept valeurs de gris, à quelques nuances près. À ces sept valeurs optiques, ordonnées de la plus claire à la plus sombre, j’ai fait correspondre sept valeurs de granulation, du plus lisse au plus grenu. J’ai ainsi obtenu une palette tactile, assez commode à utiliser avec les formes bien délimitées de Guernica. Il ne restait plus qu’à mettre mes pas dans ceux du peintre malaguène et à remplacer ses surfaces peintes par mes surfaces plus ou moins rugueuses. Le résultat a permis à l’Oupeinpo de mettre en évidence la notion de « tactilité visuelle » qui désigne l’effet obtenu sur des spectateurs « voyants », Mais, chaque fois que le tableau ainsi transformé est exposé, le public, inéluctablement, vient le toucher et le baptise « peinture pour aveugles ». Étendre la jouissance de la peinture au-delà de ses destinataires conventionnels n’est-il pas l’un des objectifs de l’Oupeinpo ?

Pour la clarté de la démonstration, j’ai choisi d’appliquer la méthode d’abord à une œuvre en camaïeu. Il serait autrement périlleux (et excitant) de tenter de l’utiliser avec un Van Gogh ou un Monet.

L’Artillerie de l’Oupeinpo

Tout est affaire de proportions. En art comme dans la cuisine. L’art culinaire parle de recettestandis que dans l’Art avec un grand A, les proportions se nomment « canon ».

À travers cette contrainte, il s’agissait de remodeler le David de Michel-Ange suivant des canons empruntés à des sculptures d’époques et de cultures très différentes.

Les résultats, obtenus par des méthodes mathématiques rigoureuses, ne sont pas des exercices de style, le but final n’étant pas de refaire le David à la manière baoulée ou dans celle de Giacometti, mais de conserver (essayer de conserver serait plus exact !) la facture michelangelesque en utilisant d’autres canons.

Le « calibre » de ces derniers, dans les exemples présentés ici, correspond au nombre de têtes contenues dans la hauteur totale.